Charles-Ferdinand Ramuz
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Charles-Ferdinand Ramuz
MARIANNE
Ce jour-là, quand je t’ai vue,
j’étais comme quand on regarde le soleil ;
j’avais un grand feu dans la tête,
je ne savais plus ce que je faisais,
j’allais tout de travers comme un qui a trop bu,
et mes mains tremblaient.
Je suis allé tout seul par le sentier des bois,
je croyais te voir marcher devant moi,
et je te parlais,
mais tu ne me répondais pas.
J’avais peur de te voir, j’avais peur de t’entendre,
j’avais peur du bruit de tes pieds dans l’herbe,
j’avais peur de ton rire dans les branches ;
et je me disais : « Tu es fou,
ah ! si on te voyait, comme on se moquerait de toi¨ »
Ça ne servait à rien du tout.
Et quand je suis rentré, c’était minuit passé,
mais je n’ai pas pu m’endormir.
Et le lendemain, en soignant mes bêtes,
je répétais ton nom, je disais : « Marianne… »
Les bêtes tournaient la tête pour entendre ;
je me fâchais, je leur criais : « Ça vous regarde ?
allons, tranquilles, eh ! Comtesse, eh ! la Rousse. »
et je les prenais par les cornes.
Ça a duré ainsi trois jours
et puis je n’ai plus eu la force.
Il a fallu que je la revoie.
Elle est venue, elle a passé,
elle n’a pas pris garde à moi.
Charles Ferdinand Ramuz (1878-1947)
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